Économie De L’Officine Post-Covid

Le bilan de l’année 2021 est bon, et la première moi­tié de l’année 2022 s’est montrée favorable aux pharmaciens. «L’activité 2021 est extraordinaire : nous cumulons 8 % de progression de CA avec les tests antigéniques (TAC) qui représentent entre 3 % et 4 %de CA moyen. Au 30 avril 2022, nous étions à 9,5 % de progression, toujours dopés par les ‘.I’AG  à hauteur de 4 %, mais aussi par la sortie de la réserve hospitalière. Ce qui fait une croissance à 2,5 % si nous excluons ces particularités», rapporte Joël Lecoeur. Une analyse partagée par ses confrères, même s’il faut aller plus loin.

Ce que le Covid a changé

Un bilan exceptionnel «La moyenne est toujours un peu un mensonge, met en garde Philippe Becker. En effet, 80 % de nos clients ont progressé, de l’ordre de 8 %, et beaucoup sont au-dessus de cette moyenne, mais nous retrouvons près de 20 % des pharmacies en baisse de CA. Ce sont souvent de pe­tites officines, ou celles impac­tées par le manque de passage.» Une disparité qui est moins forte qu’en 2020 où près de 40 % des officines avaient perdu du CA. Le cabinet Quercy note aussi « une corrélation importante entre la croissance du chiffre d’affaires et la typologie des pharmacies»; les pharmacies plus grandes ayant généralement l’espace et l’équipe nécessaire pour réaliser des dépistages. En plus de la typologie des offi­cines, divers évènements ont fait varier l’activité. «Nous avons vécu deux périodes de tests im­portantes : le pass sanitaire en été et les fêtes de fin d’année, se souvient Mehdi Djilani. Nous pouvons nous féliciter de ces résultats, car ils ont demandé un travail phénoménal de l’ensemble des pharmaciens! Le CA est bon pour le moral, mais d’autres in­dicateurs clefs existent et doivent être analysés.»

Sous les pavés, la marge

«Nous avons vu l’arrivée des produits chers avec des aug­mentations des CA sans aug­mentation de marge. Sans oublier qu’il faut être vigilants avec les tests qui peuvent ca­cher une déstructuration de la marge», alerte Mathéa Quercy. Elle met aussi en garde les phar­maciens qui, en se focalisant sur les tests, pourraient voir leur pa­tientèle d’habitués aller ailleurs. Même si les prédictions sur la fin de l’épidémie se sont trouvées faussées jusqu’à aujourd’hui , la situation actuelle ne durera pas éternellement. «N’oublions pas que les chiffres que nous avons, le ministère de la Santé les as aussi. Chaque fois que nous avons vécu de belles années, une régulation s’en est suivie», s’in­quiète Philippe Becker. Mehdi Djilani reste confiant quant à la conjoncture : « On a encore besoin des pharmaciens et les députés se battent localement contre les déserts médicaux, un sujet absent du débat politique il y a encore 5 ans.»

Des salaires qui suivent Parmi les indicateurs qui ont varié depuis le début de la pandémie, on trouve évidemment les sa­laires. Habituellement, ces der­niers tournent autour de 10 % du CA (moins pour les associations, plus pour les titulaires seuls), soit plus d’un tiers de la marge. « 80 % des chefs d’entreprises ont du mal à recruter et cela pousse les salaires vers le haut, rapporte l’expert de Fiducial. De plus, les préparateurs vont changer de diplôme, ce qui va jouer sur leurs rémunérations». Mathéa Querçy suit de près les évolu­tions des salaires : « On a observé +9 % de salaire chez les prépa­rateurs entre décembre 2018 et décembre 2021. Nous voyons des premières embauches à coef. 300, très loin des grilles de salaires.» L’augmentation du point permet­tra à peine de revenir à la normale. De plus, l’experte constate que les pharmaciens partis en centres de vaccination demandent désor­mais des émoluments bien plus élevés. Elle ajoute à cela que« les entreprises d’intérim ont déstructuré les grilles en proposant des salaires supérieurs que les titulaires peuvent avoir du mal à maîtriser. Néanmoins, globale­ment, en comptant les 1AG, cela se stabilise.» Des mouvements subtils, mais qu’il est impor­tant de prendre en compte, en particulier lors de l’achat d’une pharmacie. […] Lire la suite