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27 février 2016Éclairage sur les mesures phares concernant la formation des pharmaciens et leur exercice
Point d’orgue de six mois de réflexion et de débats publics, la Grande Conférence de la Santé qui s’est tenue le 11 février a donné lieu une feuille de route de 22 mesures regroupées en deux grands thèmes : « Innover pour mieux former les professionnels de santé » et « Innover pour un meilleur exercice professionnels tout au long de la carrière ».
A la différence de la loi Santé, qui se penche surtout sur l’organisation et la gouvernance du système de soins, les mesures de la feuille de route de la Grand Conférence de la Santé sont centrées sur les professionnels de santé, principalement libéraux.
Nous avons fait un focus sur les principales mesures qui auront un impact sur la formation des pharmaciens et leur exercice à l’officine.
Innover pour mieux former les professionnels de santé :
- L’introduction d’une modulation régionale du numérus clausus national (mesure 1)
Jusqu’à présent, le numerus clausus était fixé par le gouvernement au niveau national. A partir de 2016, il le sera toujours, mais il devra se situer dans une fourchette proposée au niveau régional. L’introduction d’une modulation régionale du numérus clausus national dès la rentrée universitaire 2016 aura ainsi pour objectif de contribuer à une meilleure couverture santé des territoires aujourd’hui sous dotés.
Le CNOP qui établit la démographie médicale des pharmaciens se dit « très favorable à cette mesure qu’il défend depuis longtemps à la lumière de la faible mobilité des pharmaciens à l’issue de leur cycle de formation ». Partant du constat que 70 % des officinaux s’installent dans leur région de formation, l’Ordre reconnaît que cette mesure est bénéfique afin de « couvrir les besoins régionaux dans toutes les disciplines pharmaceutiques, tout en veillant à ne pas créer des chômeurs ».
Si cette mesure semble suivre une logique de rééquilibre des écarts démographiques par région, on peut légitimement s’interroger sur son efficacité, étant donné que les étudiants sont eux mobiles comme c’est le cas dans d’autres discipline. Ils pourront aisément allez se former à Lille tout en étant originaires de Marseille. Cela accentuera probablement la mobilité des pharmaciens à l’issue de leur région de formation.
- La finalisation de la réforme du troisième cycle des études médicales (mesure 8)
Dorénavant, la réforme du 3e cycle des études supérieures, qui concernait jusqu’alors les seuls médecins, intègre, désormais, les études de pharmacie et d’odontologie. Dans ce cadre, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) réclame un allongement des études de la filière courte de pharmacie (officine et industrie) de deux années, afin d’atteindre le niveau doctorat. L’Europe prévoit en effet trois niveaux de diplômes à 3 ans (licence), 5 ans (master) et 8 ans (doctorat), auxquels ne correspond pas actuellement le diplôme de docteur en pharmacie de 6 ans d’études.
Selon le CNOP, l’allongement de la durée des études à 8 années, contre 6 actuellement, n’est en revanche pas une mesure prioritaire. Pour venir en appui de son argumentation, le CNOP rappelle également que les arrêtés de 2013 et les décrets de 2014 ont déjà inscrit les études de pharmacie dans le système LMD (License, Master et Doctorat) conformément au cadre européen et que les premiers étudiants qui sortiront avec ce nouveau cursus seront issus de l’année universitaire 2015-2016.
Les 2 années d’études complémentaires pourraient permettre d’intégrer des blocs de formation plus développés sur la gestion, le management, l’exploitation. Justifiée ou pas, l’année d’application de cette mesure fera probablement baisser le chômage artificiellement pendant 2 ans sur les doctorant et les jeunes diplômés.
- La favorisation de passerelles entre les formations et les interactions entre les étudiants des différentes formations
Les étudiants qui échouent en Paces mais qui auront obtenu la moyenne pourront accéder à des « formations attractives en santé et sciences de la vie », indique la feuille de route. Concrètement, les passerelles à l’issue de la Paces devraient se multiplier, pour permettre aux plus de 80 % de recalés de ne pas perdre leur année. (mesure 2)
Par ailleurs, avant cette Grande Conférence de la Santé, un thérapeute ou un orthophoniste qui souhaitait faire des études médicales devait repartir à zéro et s’inscrire en Paces, alors même qu’ils étaient titulaires respectivement d’une licence et d’un master. Une des mesures annoncées par le Premier ministre est la future création de passerelles entre les formations médicales et paramédicales, afin de diversifier les profils des professionnels de santé et permettre aux paramédicaux d’accéder aux formations médicales sans repartir de zéro. (mesure 4)
Une autre mesure vise aussi à mutualiser les cours entre les différentes formations. En effet, les professionnels de santé amenés à travailler ensemble dans le cadre de suivi de patients auront, à partir de la rentrée 2017, une partie des cours en communs, complétés par des stages interprofessionnels, afin de permettre aux étudiants de mieux connaître les métiers de leurs futurs collègues. (mesure 9)
Ces passerelles nous paraissent aller dans le sens d’un meilleur réseau de Santé. Cette mesure permet à chaque profession de ne plus être cloisonnée et favorise les échanges interprofessionnels dès la formation pour le développement d’un corps médical et paramédical formé de manière cohérente et parlant le même langage.
Innover pour un meilleur exercice professionnel tout au long de la carrière
- La prévention des risques psycho-sociaux (mesure 16)
Les contextes d’exercice des professionnels de santé les exposent à des tensions particulières liées à divers facteurs : responsabilité vis-à-vis des patients, charge de travail, horaires atypiques, pression économique… pouvant engendrer des situations génératrices de risques psycho-sociaux, de dépression, de syndromes de burn-out ou de phénomènes de harcèlement dans des équipes. L’objectif de cette mesure sera d’inciter les Ordres et collèges des professions concernées d’organiser la prévention et la gestion de ces risques.
- Le développement d’une vision plus intégrée entre formation, conditions d’exercice et aides à l’installation des jeunes professionnels dans les régions. (mesure 18)
Cette mesure aura pour objectif de développer des services pour les professionnels, dont les pharmaciens, afin de faciliter leur installation en régions. Il existe depuis 2015, un portail d’accompagnement des professionnels de santé les renseigne sur les lieux de stage, les aides à l’installation, les maisons de santé et les coopérations territoriales. Ce site concerne aujourd’hui neuf professions dont les pharmaciens. La Grande conférence de la santé appelle à renforcer cette logique de service à destination des professionnels par la mise en place services comme des bourses d’emplois ou la simplification des démarches administratives.
Nous avons peu de retour sur l’efficacité de cette mesure depuis sa mise en place mais toute mesure qui peut favoriser l’installation et la densification du réseau de santé est bonne. Si en plus cela touche l’aspect administratif alors nos pharmaciens n’en seront que plus heureux !
- Une meilleure intégration des professionnels et les usagers dans la construction d’une offre territoriale. (mesure 20)
Dans la suite du Pacte territoire santé, il s’agit d’encourager les collaborations entre les professionnels de santé pour prendre en charge la population à l’échelle d’un territoire notamment par la mise en place des parcours patients, de la permanence des soins, des relations avec l’hôpital.
L’échelle qui est aujourd’hui imposée par les ARS est parfois contraignante : la commune est loin d’être la bonne maille pour évaluer le besoin en service de santé. Nous plaidons pour que la logique de bassin de population soit prise en compte.